Pénurie de main-d'oeuvre : recrutement et rétention des employés

Face à la pénurie de main-d'oeuvre, les employeurs québécois devront recruter différemment. Voici quelques manières de se démarquer sur le marché du travail.

Par Fonds de solidarité FTQ en collaboration avec Yves Gingras, journaliste spécialisé en finance et en économie

En novembre 2018, on dénombrait au Québec 109 600 postes vacants, un sommet historique, et ce, alors que le nombre de travailleurs qualifiés ne suffisait pas à répondre à la demande, ce qui explique la pénurie de main-d'oeuvre dont on entend parler ces derniers temps. Selon une étude de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, ce sont principalement les entreprises de 50 employés et moins qui sont touchées, pour des postes offrant un salaire horaire moyen de 19 $. Les employeurs, et principalement les PME, doivent donc redoubler d'efforts pour recruter efficacement des candidats.

Graphique sur l'évolution du taux de postes à pourvoir comparant le Québec et le Canada selon la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (CFIB)

Être un bon patron ne constitue donc plus une simple obligation morale naturelle à bien des entrepreneurs, mais une nécessité pour assurer la croissance des entreprises et de l'économie québécoises. Il faudra donc redoubler d'efforts pour séduire les travailleurs et travailleuses. Pour arriver à recruter rapidement dans ce contexte, il faudra le faire autrement.

Penser gestion des talents avant de penser ressources humaines

Une étude d'Aon Hewitt sur les employeurs de choix démontre que ces derniers réussissent à retenir les talents en faisant preuve d'agilité et de leadership mobilisateur et en mettant l'accent sur le talent. En effet, plus de 70 % des employeurs de choix visés par cette étude mettent l'accent sur le talent, comparativement à 55 % de leurs compétiteurs. « De plus, 65 % des leaders de ces entreprises considèrent avoir suffisamment de temps pour le coaching et la rétroaction », explique Francine Tremblay, vice-présidente, Talent et mobilisation, Est du Canada chez Aon Hewitt, dans une entrevue avec La Presse. Selon Mme Tremblay, cela démontre que les gestionnaires hors pair valorisent autant la gestion des talents et des personnes que celle des opérations. Selon Aon, ces entreprises afficheraient un rendement pour les actionnaires de 80 % supérieur.

La gestion des talents fait sa place dans les entreprises québécoises. Un bon encadrement (qui comprend de la formation), un suivi régulier du développement professionnel et un plan de carrière peuvent faire toute la différence quand vient le temps de motiver un employé. Le recrutement d'une nouvelle ressource étant assez coûteux, une entreprise a tout avantage à garder ses employés et à les faire évoluer. Elle conserve ainsi son expertise, son expérience, ses talents et ses connaissances. L'entreprise croît également en même temps que ses employés.

De surcroît, il n'y a pas de « mauvais employés » selon Émilie Gallo, conseillère en recrutement depuis cinq ans. « Par contre, certains employés peuvent être à la mauvaise place. Sans oublier que les aspirations évoluent au fil du temps. La gestion de talents, c'est donc savoir mettre les aptitudes, les talents et l'expertise de chaque employé au service de l'entreprise. »

Pas seulement une question de salaire

Il pourrait être facile de conclure que la solution consiste en une hausse généralisée des salaires. Mais il n'y a pas que les postes à bas salaire qui ne trouvent pas preneur. En effet, selon Statistique Canada, les secteurs où on retrouve le plus de postes vacants sont souvent ceux qui rémunèrent bien leurs salariés. Ainsi, les secteurs manufacturier et des soins de santé figurent parmi les plus touchés par la pénurie de main-d'oeuvre qui sévit au Québec et au Canada.

Quelle serait alors la solution pour recruter efficacement? La réponse est peut-être de recruter autrement, en étant un aussi bon patron que possible. Comme le souligne François Gilbert, PDG d'Anges Québec, un regroupement de 180 investisseurs québécois, « les jeunes entrepreneurs veulent faire de l'argent, ils veulent créer des emplois, mais ils veulent surtout être des entrepreneurs responsables et respectueux du milieu dans lequel ils vivent ». L'Institut du Québec mentionne d'ailleurs l'importance d'agir en ce sens pour atténuer les impacts de la pénurie de main-d'oeuvre. Dans sa note de recherche, l'Institut propose notamment comme pistes de solutions des mesures de rétention des travailleurs expérimentés et des mesures de conciliation travail-famille. D'autres pensent à des programmes tels que les REER collectifs ou les régimes volontaires d'épargne-retraite. Des activités qui favorisent l'esprit d'équipe peuvent aider à développer une relation de confiance et de proximité avec les employés et améliorer la communication malgré la hiérarchie.

Les avantages pour l'employé et l'employeur

Mais qu'est-ce qu'un bon patron quand on parle de rétention de personnel? Michel Couture, vice-président d'une agence-conseil en solutions numériques, fournit un début de réponse.

« Il est important pour nous d'aider nos employés et de les sensibiliser à l'importance d'épargner pour leurs projets, dont la retraite et l'achat d'une première maison. C'est pour cela que nous offrons un programme de REER collectif. Nous collaborons également à l'évolution personnelle et professionnelle de nos employés en proposant, entre autres, des formations et des plans de développement professionnel. Nous proposons également plusieurs activités à travers notre club social, qui contribue à favoriser l'esprit d'équipe et à mieux se connaître en dehors du travail. Nous faisons en sorte d'offrir des accommodements travail-famille. Il est très important que nos employés puissent être autant épanouis au travail qu'en famille, et c'est pour cela que nous proposons des horaires flexibles et le télétravail ».

Ces avantages peuvent paraître anodins. Émilie Gallo nous donne toutefois des exemples concrets des bénéfices qu'ils peuvent avoir pour l'employeur. Le télétravail, notamment, réduit l'absentéisme de différentes façons : il permet à l'employé de travailler une partie de ses heures à la maison, évite des congés de maladie, offre une meilleure concentration et démontre la confiance de l'employeur dans ses employés. Quant à l'horaire flexible, il facilite grandement la conciliation travail-famille en offrant la possibilité aux employés de commencer et de terminer leur journée plus tôt ou plus tard que d'habitude. Une hiérarchie assouplie et moins présente permet aussi au gestionnaire d'évoluer du rôle de patron vers celui de partenaire. Cet avantage peut également améliorer l'engagement et l'investissement des employés. Autrefois négativement connoté, le télétravail a retrouvé ses lettres de noblesse.

Quand on pense recrutement de personnel, on peut aussi penser à l'immigration ou encore à créer des partenariats avec des établissements d'enseignement. Émilie Gallo sait d'expérience que les immigrants restent très fidèles à l'entreprise qui leur a donné leur chance. « L'immigrant apporte avec lui un bagage qui peut être très différent des façons de faire d'ici, il peut apporter un regard neuf qui permet d'aborder certaines situations avec une vision différente. Il peut parfois mieux comprendre le client qui, lui aussi, peut être issu de l'immigration ou, encore, améliorer les connaissances pour un nouveau marché ». Elle est convaincue que l'embauche d'immigrants qualifiés améliore la créativité et la productivité dans une entreprise.

Une autre approche consiste à nouer un partenariat avec un ou plusieurs établissements d'enseignement. Embaucher un nouveau diplômé peut être un défi pour une entreprise, mais c'est aussi l'occasion de former ces employés tout en évitant les faux plis. Par exemple, l'entreprise régionale Refraco, qui oeuvre dans le domaine de la transformation de l'aluminium, s'est associée au Cégep de Chicoutimi. Elle a créé des bourses d'études et offre des emplois bien rémunérés aux finissants afin de s'assurer une relève qualifiée en technologie du génie civil et du génie métallurgique. La clé du succès est de bien encadrer les nouvelles ressources en leur offrant du mentorat et de la formation adéquate.


En conclusion, être un bon patron n'est pas seulement une question de salaire, ni même une question d'avantages sociaux. Ces éléments peuvent certainement peser dans la balance, mais, fondamentalement, un bon patron a à coeur le bien-être de ses employés et cherche à répondre à leurs motivations et à leurs aspirations. Le rôle du gestionnaire est de bien connaître et comprendre son équipe. Savoir ce qui fait avancer chacun de ses employés et le motive à se lever le matin, avoir de bonnes communications, répondre aux besoins du personnel, etc. En somme, il faut désormais savoir s'adapter aux besoins de chaque membre de l'équipe.

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