Exportateurs, le monde est (bientôt) à vous
Pendant que le commerce international tourne au ralenti, c’est le moment pour les entrepreneurs québécois d’explorer leurs possibilités d’exportation. En planifiant dès maintenant, ils seront prêts lorsque l’économie mondiale rouvrira grand ses portes. Deux experts du Fonds partagent leurs conseils.
« Faute d’une préparation adéquate, beaucoup se sont cassés les dents sur les marchés étrangers. Une bonne planification maximise les chances de réussite et atténue les dommages en cas d’échec », insiste Sylvain Lemarbre, conseiller principal en marketing, analyse de marché et intelligence d’affaires au Fonds de solidarité FTQ.
Spécialiste du financement des projets d’exportation, il a puisé dans sa longue expérience pour produire un aide-mémoire gratuit qui liste les questions essentielles pour tout candidat à l’exportation : marchés à viser, produits à offrir, opérations, financement, etc. Essentielles car, dit-il, « ça coûte moins cher de faire des simulations sur une feuille de calcul et de prendre son téléphone que d’investir son argent trop vite ! »
Téléchargez l’aide-mémoire sur la planification pour les exportateurs (PDF).
Pourquoi exporter ?
La pandémie a fait bien des victimes et des dégâts, mais à mesure que les vaccinations avancent, elles vont laisser place à de bonnes occasions d’affaires. Après la pluie, le beau temps.
« Il va y avoir des besoins à combler qui n’existaient pas voilà 2-3 ans, car beaucoup d’entreprises ont été mises à mal par la pandémie. Il y a les gros programmes de relance de l’administration Biden aux États-Unis, qui vont donner plus de moyens aux consommateurs. Il y a les nouvelles habitudes liées à l’adoption du télétravail et à la popularité du plein air. Il y a une nouvelle législation à Cuba qui reconnaît la propriété d’entreprise privée et encourage l'investissement étranger. Il y a la vague de fond de la transition vers l’énergie renouvelable. Pour les entreprises d’ici, ce sont autant d’occasions de développer leur marché et d’augmenter leurs ventes », dit un autre expert du Fonds, Michel Dorion, conseiller principal aux affaires juridiques.
Et selon lui, tout cela pourrait se précipiter sous l’effet d’une demande refoulée depuis plus d’un an déjà.
« Quand j’entends des gens dire qu’ils mangeront au restaurant tous les jours quand ce sera à nouveau possible, ça illustre bien l'empressement des consommateurs envers l'après-pandémie », poursuit Michel Dorion, optimiste de son propre aveu.
Bien qu'il soit toujours préférable d'acheter et produire localement pour des questions tant environnementales que socio-économiques, l'exportation peut intervenir en complémentarité.
« Nous encourageons l'autonomie locale au niveau de la chaîne d'approvisionnement, mais celle-ci peut être conciliée avec l'exportation par l'entremise de partenariats à l'étranger pour combler les lacunes du marché local. Par exemple, en proposant à certaines de nos entreprises partenaires de compenser les ralentissements saisonniers en mettant leurs installations à disposition d'autres marchés. Cela favorise en outre le maintien des emplois au Québec », illustre Michel Dorion.
« Les entrepreneurs et travailleurs québécois ont bien raison d'être fiers des produits faits chez nous, et c'est justement pourquoi nous incitons nos entreprises partenaires à développer des partenariats et à adapter leurs produits pour l’étranger. Non seulement ça les pousse vers une nouvelle étape de croissance, mais ça leur permet de mieux protéger leur marché domestique. L’exportation, ça marche dans les deux sens ! »
Un monde hors des États-Unis
De l’avis des deux experts, le plus gros potentiel ne se trouve pas chez le voisin qui achète déjà les trois quarts de nos exportations, mais dans les marchés d’Europe et de l’Asie-Pacifique avec lesquels le Canada a signé des ententes commerciales ces dernières années pour faciliter la circulation des biens. Chacun compte une population comparable à celle de l’Amérique-du-Nord, mais ils achètent encore trop peu québécois.
« Les États-Unis ne font pas partie de ces ententes, ce qui laisse le champ libre à nos entreprises pour prendre une longueur d’avance », souligne Sylvain Lemarbre.
Certains interlocuteurs ont aussi une préférence culturelle pour les Canadiens, ou une langue en commun avec les Québécois. « Les clients de pays francophones apprécient de commercer avec d'autres pays francophones ou de langue latine ; même chose pour certains entrepreneurs d'ici. Cela nous donne un avantage dans certains marchés », rappelle Michel Dorion, qui qualifie ces derniers de « terreaux fertiles ».
« Se lancer outre-mer peut être intimidant, mais une bonne analyse préalable du marché convoité permet d'évaluer le niveau de risque et donc l'acceptabilité du projet », ajoute Sylvain Lemarbre.
Des accords commerciaux avantageux
Outre les nouveaux accords avec les 27 pays de l’Union Européenne et 11 pays de l’Asie-Pacifique, le Canada a bien d’autres ententes commerciales et fiscales qui aident les exportateurs à s’installer à l’étranger en réduisant beaucoup de tracasseries administratives et juridiques.
« Ces ententes couvrent aussi les recours en cas de litige, les interlocuteurs pour chaque situation, etc. Une fois qu’on décide de viser une région du monde, il est essentiel de consulter ces documents », dit Michel Dorion.
La plupart sont faciles à trouver en ligne (Ottawa diffuse notamment une liste des ententes fiscales), de même que d’autres informations essentielles sur chaque marché, comme l’analyse des risques par pays d’Exportation et Développement Canada, ou les statistiques recensées par les bureaux nationaux. On peut aussi investir dans des études de firmes privées, souvent utiles car rédigées spécifiquement dans une perspective de développement d’affaires.
Comprendre et s’adapter
Au-delà des chiffres et des documents juridiques, chaque marché a bien sûr son caractère particulier.
« Exporter, c’est continuer à faire le même travail, mais chez quelqu’un d’autre », résume Michel Dorion. « Dans certains pays d’Afrique par exemple, il faut savoir que le contact humain est primordial en affaires, incluant de longues rencontres avec les gens et des visites à leur famille. Alors qu’en Californie où nos façons de faire sont plus connues, c’est conclu en 30 minutes et on n’a plus vraiment besoin se revoir en personne ! »
Règle générale, selon lui : les clients étrangers réagissent mieux à une offre pertinente localement, respectueuse de l’environnement, et qui crée de l'activité économique et des emplois sur place.
« C’est le meilleur rayonnement qu’on puisse espérer pour nos entreprises, mais c’est sûr que ça exige une véritable présence et des relations soutenues. Ça implique bien sûr de valider la compatibilité des produits avec la langue, la culture et la réglementation locales », précise l'expert.
De l’aide et des outils
Pour créer les premiers contacts, le Fonds accompagne ses entreprises partenaires dans des discussions avec les délégués commerciaux du Canada ou des représentations du Québec dans les pays où ils sont présents. Ils sont bien placés pour décrire l’environnement économique et politique sur le terrain, indiquer des programmes d’aide locaux, ou recommander des partenaires de confiance.
Côté financement, les investisseurs institutionnels comme le Fonds sont toujours à la recherche de projets prometteurs, et nos gouvernements offrent aussi des programmes d’aide, parfois dans des secteurs particuliers. Ils sont listés en ligne par Québec et par Ottawa mais nos deux experts recommandent de téléphoner aux responsables pour discuter des détails de vive voix.
Les assureurs offrent aussi des produits pour les exportateurs, qu’il s’agisse de couvrir les risques de crise politique ou les fluctuations du taux de change.
Bien sûr, nul ne peut bâtir un Pelican, un Premier Tech ou autre succès québécois à l'étranger du jour au lendemain. Mais adopter la bonne attitude est un bon début, rappelle Michel Dorion :
« N'essayez pas d'envahir toute la planète ! Soyez présents. Soyez pertinents. Et surtout, soyez patients. »
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