BALADO « En mode affaires », Ép. 02 - Où en est la transformation numérique de l'économie québécoise?

Pour aller jusqu'au bout de la métaphore du virage numérique, on peut dire que la pandémie a propulsé la grande majorité des entreprises au-delà du point de rupture; et beaucoup doivent encore compléter la manœuvre avec précision pour éviter l'extinction. Le point avec trois experts du Fonds de solidarité FTQ.

Nicolas Tremblay Par Nicolas Tremblay Suivez-la sur LinkedInSuivez-le sur LinkedIn Sylvain Lemarbre Suivez-la sur LinkedIn            Suivez-le sur LinkedIn et Véronique Gagnon Suivez-la sur LinkedIn


On peut dire que la pandémie aura au moins profité à l'adoption des technologies, qui s'est grandement accélérée dans toutes les sphères d'activité des Québécois, qu'il s'agisse du télétravail, des cours à distance, de la télésanté, du magasinage en ligne ou encore des spectacles virtuels. Tant les entreprises que les consommateurs retardataires n'ont plus eu d'autre choix que de virtualiser leur vie personnelle et professionnelle.

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« La transformation numérique de l'économie, c'est la virtualisation des tâches que l'on effectuait physiquement, grâce à l’interconnexion des gens, des entreprises et des objets », résume Sylvain Lemarbre, conseiller principal en analyse de marché et intelligence d'affaires au Fonds. 

« Le phénomène était déjà bien avancé parmi les milléniaux et leurs successeurs, mais il s’est accéléré du côté de la génération des boomers qui ont été les plus bouleversés. L'an dernier en particulier, c'était presque obligatoire de tout faire en ligne, et cela a produit un nouveau bassin de consommateurs, de nouvelles façons de faire. »

Saisir les opportunités du virage numérique

« Avec la pandémie, on a fait un saut en avant remarquable d'environ 5 à 10 ans », lâche sa collègue Véronique Gagnon, directrice des investissements, divertissement et biens de consommation. Dans ces deux secteurs, elle dit avoir observé une « résilience remarquable ».

« Au Québec, nos entrepreneurs n'ont pas forcément les moyens de bouleverser leur industrie mais la pandémie leur a révélé que la numérisation était une nécessité de survie. Ceux qui avaient déjà entamé le virage en ont bien profité, comme les détaillants purement en ligne et les épiciers; les autres ont dû faire un grand bond en avant en transformant rapidement l'ensemble de leur chaîne d'approvisionnement, de la surface des commandes en ligne jusqu'aux profondeurs de la logistique de livraison. »

Parmi ceux qui ont réussi leur bond en avant, elle mentionne le détaillant de plein air SAIL dont les ventes ont explosé, le fabricant de meubles assemblés Bestar qui avait judicieusement mis à niveau sa logistique avant que la pandémie ne frappe, ou encore le Spa Scandinave qui a numérisé son parcours client en mettant sur pied un système d'accès aux bains sans contact avec réservation en ligne. Tous sont par ailleurs des partenaires du Fonds.

Autrement dit, une fois le virage entamé, le retour en arrière n’est plus envisageable.

« On a assisté à une remise en question du statu quo, à un déblocage. Dorénavant, la composante virtuelle va gagner en importance dans la proposition de valeur des entreprises. Je pense à l'industrie du spectacle et aux événements par exemple, avec une offre hybride qui peut éliminer les barrières géographiques tout en permettant une expérience bonifiée, plus personnalisée et donc plus satisfaisante », illustre Véronique Gagnon.

La nouvelle économie numérique carbure aux données

Qui dit numérique dit données. Celles des processus que l’on souhaite optimiser; celles du marché que l'on veut comprendre; celles des clients que l'on veut mieux satisfaire.

« Les géants de la techno ont démontré que les modèles d'affaires basés sur les données génèrent des gains de productivité et des marges financières supérieures. Après tout, une donnée, ça ne coûte rien et ça n'a pas de frontière », dit Nicolas Tremblay, directeur des investissements au Fonds spécialisé dans les technologies.

« Cependant, la numérisation nécessite des investissements d'entrée et l’acquisition de nouvelles compétences et expertises pour pouvoir recueillir, entreposer, analyser, et sécuriser les données. »

Parmi les entreprises partenaires du Fonds, il cite LANDR, une boîte à outils virtuelle pour les musiciens qui les accompagne de la création à la diffusion; ou encore WorkJam, un espace numérique pour les travailleurs de première ligne, avec notamment des formations sur mesure, la capacité d'optimiser les tâches et la gestion d'horaire. Deux exemples éloquents de l'évolution de l’offre technologique et de la démocratisation de certaines plateformes et services web, aujourd'hui accessibles à ceux qui n'en avaient auparavant pas les moyens. Comme quoi sur chaque vague d’innovation technologique se forme une vague d’occasions d’affaires.

« Il ne faut pas croire que le phénomène va ralentir dans les prochaines années. Les technologies actuellement émergentes nous laissent déjà entrevoir des possibilités comme la visioconférence en réalité virtuelle, presque similaire à une rencontre en personne; ou encore les villes intelligentes où les données nous aident à optimiser les infrastructures collectives », dit Nicolas Tremblay.

« On peut imaginer des spectacles où des capteurs interprètent les réactions du public pour ajuster le contenu; des manèges en réalité virtuelle dans les parcs d’attraction; des miroirs en réalité augmentée pour essayer des vêtements à distance », renchérit Véronique Gagnon. Le commerce physique va demeurer mais les canaux se multiplient, et cela va stimuler la créativité de nos entrepreneurs. »

Jeter les bonnes bases de la transition numérique

Mais encore faut-il procéder dans les règles de l'art, prévient Sylvain Lemarbre.

« Beaucoup d'entreprises entament leur transition numérique à l'envers : elles commencent par le logiciel de commerce électronique, le site web, en un mot la surface. Mais il leur faut d'abord se poser de nombreuses questions en amont. Quels clients cherche-t-on à séduire ? Dans quelles régions du monde, puisqu'il n'y a plus de frontière physique ? Quels systèmes d'arrière-boutique (back-end) sont nécessaires ? Pourront-ils se connecter aux systèmes en place ? Pour le service à la clientèle, faudra-t-il plusieurs langues ? Dans quels fuseaux horaires ? Pour la livraison, quels modèles de partenariats sont disponibles ? Devrait-on sous-traiter l’entreposage ? La boutique électronique, ce n’est vraiment que le sommet de l'iceberg ! »

D'où la pertinence d’un partenaire comme le Fonds, habitué d’accompagner les entreprises au-delà du simple financement. Son équipe Asthuce, dont M. Lemarbre fait partie, offre ainsi aux entreprises québécoises une précieuse expertise pour leur transition numérique ou environnementale – teintée par les valeurs de l’institution.

Des technologies qui profitent à l'humain

« La particularité de notre approche c'est que bien qu’il s’agisse de projets technologiques, nous gardons toujours un œil sur l'aspect humain de l’équation, car celui-ci est la force motrice de tout changement », précise-t-il.

À titre d'investisseur d'impact, le Fonds compte bien profiter du virage numérique de l'économie québécoise pour en tirer un rendement sociétal en plus du rendement financier, ajoute M. Tremblay.

« Nous voulons que chacun de nos investissements ait un impact positif sur l'environnement, la société, et aussi les autres entreprises. Plus nous encourageons les maillages entre entrepreneurs, en l'occurrence partenaires du Fonds, et plus nous leur fournissons l'expertise disponible dans notre réseau, plus ils contribuent à faire grandir l'ensemble de l'économie québécoise. »

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En collaboration avec journaldemontreal.com