Soya IP : la traçabilité comme raison d’être

Certification des semences, suivi aux champs, ségrégation à la récolte, contrôle qualité selon spécifications : la production minutieuse du soya «  à identité préservée  » en fait un porte-étendard de la traçabilité des aliments.

Khalil Akrout En collaboration avec Khalil Akrout Suivez-le sur LinkedInAttention, ce lien ouvrira un nouvel onglet.       


L'entreprise québécoise Ceresco, une partenaire du Fonds de solidarité FTQ, en exporte plus de 10 000 conteneurs par an et nourrit près de 50 millions de consommateurs soucieux de la qualité de leurs aliments. 

L'industrie relativement jeune du « soya IP », qui représente aujourd'hui 25 % des superficies de soya au Québec et en Ontario, a pris son essor au début des années 90 face à la demande grandissante des Japonais. S'ils en consomment traditionnellement à toutes les sauces, sous forme de natto (grains fermentés), de breuvage, de miso, ou encore de multiples textures de tofu, leur archipel rocailleux manque de terres fertiles pour en produire suffisamment.  

C'est l'opportunité qu'a saisie Ceresco, en proposant un lien direct entre producteurs et transformateurs, avec un contrôle étroit de toutes les étapes de l'ensemencement à l'expédition. Le soya IP de ses agriculteurs-partenaires est aujourd'hui planté sur plus de 100 000 acres, majoritairement au Québec et en Ontario, et exporté dans plus de 40 pays. Au Japon, c'est l'un des plus gros noms du secteur, avec plus de 30 % du marché du soya traçable. 

La valeur est dans l'identité

« En Amérique du Nord, la culture du soya est dominée par des grains non traçables, dont beaucoup d'OGM qui ne vont pas à la consommation humaine. Mais dans le segment de l'identité préservée, nous rejoignons des consommateurs exigeants qui sont prêts à payer davantage pour une traçabilité supérieure », explique le directeur général de l'entreprise, Manuel Gendron.  

La traçabilité commence dans le champ, où l'usage de certains produits est régi par contrat. Après avoir livré ses semences certifiées, Ceresco fait un suivi régulier des cultures en relevant le moindre changement. Après la récolte, elle soumet les grains au contrôle qualité, puis les entrepose en attente de l'expédition. Toutes les surfaces de contact doivent être nettoyées au préalable, et notamment dans les camions qui pourraient avoir transporté d'autres produits.  

Préserver l'identité du soya implique de maintenir une ségrégation stricte entre les lots de chaque client ; c'est pourquoi les installations de Ceresco, à Saint-Urbain-Premier en Montérégie, comptent pas moins d'une centaine de silos. 

« Nous sommes à un coup de fil des producteurs et des transformateurs, sans distributeurs ni maisons de commerce, ce qui nous permet de garantir une traçabilité complète de la terre au conteneur. Et parce qu'on se concentre exclusivement sur une plante, on minimise les risques de contamination. Au bout du compte, ça nous permet d'obtenir un meilleur prix pour notre soya et un meilleur revenu pour nos agriculteurs », insiste Manuel Gendron. 

Les Japonais en particulier sont si friands de son soya IP que Ceresco les invite régulièrement à des visites champêtres. « On leur présente les agriculteurs, ils prennent des photos, et cela renforce encore nos liens directs », se réjouit M. Gendron.  

Une technologie en évolution

Si la traçabilité est présente depuis les débuts de l'entreprise, elle a bien sûr évolué avec l'air du temps. Alors qu'il y a vingt ans, la majeure partie des relevés se faisaient sur papier, Ceresco peut aujourd'hui compter sur un système entièrement numérique pour la planification de la production, connecté à une batterie de capteurs. Elle est aussi passée du vrac aux sacs, pour raffiner la traçabilité. « En cas de problème, on rappelle un sac plutôt qu'un conteneur de 20,8 tonnes », illustre M. Gendron.   

Son prochain défi : optimiser la gestion des entrepôts, à une époque où les chaînes d'approvisionnement connaissent des perturbations.  « Nos gros clients ont du mal à nous donner des prévisions précises, et par le passé nous tablions sur leur volume et leur fréquence historique pour prédire leurs commandes et produire en conséquence. Mais avec la pandémie, puis la guerre en Ukraine, c'est devenu complexe », commente-t-il.  

« Là où on planifiait nos activités deux mois à l'avance, nous sommes passés à une base hebdomadaire, et maintenant ça change trois fois par jour ! En conséquence, nos entrepôts sont plus remplis qu'avant. Le transport maritime est le nerf de la guerre dans notre industrie, or en ce moment il faut se montrer très flexible. Nous devons chercher constamment des façons plus rapides et plus simples d'opérer. »  

Convaincre un acre à la fois

Malgré les revenus additionnels qu'elle apporte, la traçabilité peut sembler un défi du point de vue des producteurs ; et il faut user d'arguments pour pour assurer leur rétention, face à la  concurrence du soya OGM américain, beaucoup plus simple à cultiver. 

« Notre défi n'est pas de trouver des clients, mais de nous battre pour maintenir et agrandir notre superficie plantée. Les agriculteurs sont tellement sollicités de toutes parts que c'est à moi, le client, de les convaincre de nous suivre», dit Manuel Gendron. 

« Outre la rémunération supérieure, le soya IP procure la fierté de produire non pas un simple grain, mais un véritable ingrédient. Oui, la main-d'oeuvre agricole est rare, et la culture du soya IP implique certaines exigences. Mais il sert à nourrir la planète. C'est d'autant plus vrai avec la crise du coût de la vie, puisque le soya est l'une des plantes qui comprend le plus de protéines, dans une forme meilleure pour la santé, plus facile à entreposer, et moins chère pour les épiciers et donc les consommateurs. »

Découvrez nos solutions de financement aux entreprises.