Huit bonnes idées pour la gouvernance des sociétés

Que l'on soit nouveau venu sur un conseil d'administration ou qu'on y siège de longue date, il est bon de se rappeler quelques principes de base d'une gouvernance réussie.

Liette Leduc Par Liette Leduc Suivez-la sur LinkedIn Liette Leduc et Julie Proulx Suivez-la sur LinkedIn


Partenaire de plus de 3 000 entreprises québécoises, le Fonds de solidarité FTQ a développé une expertise de première main sur l'administration des sociétés. Liette Leduc, directrice principale aux affaires juridiques, et Julie Proulx, directrice investissements, partagent quelques bonnes pratiques et pièges à éviter.

1. Comprendre l'utilité d'un conseil d'administration

Si beaucoup d'entrepreneurs font déjà appel à des mentors ou à un comité consultatif pour guider leurs décisions, un conseil d'administration (CA) n'est pas pour autant de trop, rappelle Liette Leduc.

« C'est bien pour les petites entreprises de s'entourer d'experts issus de leur secteur, qui vont leur apporter un réseau et de précieux conseils opérationnels. Mais un CA agit à un niveau plus stratégique et de manière complémentaire. Par ailleurs, ses membres peuvent avoir des profils variés, des RH au marketing en passant par les finances, en tenant compte des besoins de l'entreprise. »

L'utilité d'un conseil devient de plus en plus évidente à mesure que le volume d'affaires grandit et que des actionnaires et autres parties prenantes sont impliqués.

« Le CA fixe l'orientation stratégique de l'entreprise, évalue sa performance selon divers indicateurs opérationnels et financiers, et influence sa culture et ses valeurs. Si par exemple elle veut se donner des principes éthiques stricts en matière de responsabilité sociale, cela doit venir d'en haut », explique Julie Proulx.

2. Ne pas confondre supervision et gestion

« On y met le nez, mais pas les doigts ! » (Nose in, fingers out) : telle devrait être la maxime de tout administrateur, pour bien séparer les rôles entre la direction et le CA de l'entreprise, conseille Liette Leduc.

« Parfois, lorsqu'un CA doit être mis en place à la demande des investisseurs, les dirigeants craignent de voir de nouveaux venus se mêler de leur gestion et alourdir leurs façons de faire. Mais le CA n'a pas à intervenir directement dans leur travail. Il a plutôt une responsabilité de supervision. Par exemple, il ne s'occupe pas de préparer des états financiers, mais comme la Loi exige qu'il les adopte, il doit en assurer la supervision auprès de la direction. Ou encore, bien que le CA n'est pas en charge d'embaucher des employés mis à part de hauts dirigeants, il doit s'assurer que la direction a mis en place un plan de relève et que celui-ci est suivi. »

3. Agir avec loyauté envers l'entreprise

Chaque administrateur a un « devoir fiduciaire » qui l'oblige à toujours agir « avec intégrité et de bonne foi, au mieux des intérêts » de la société, en tenant compte de l'intérêt de ses parties prenantes, et non pas dans son intérêt personnel ou de celui de l'actionnaire qu'il l'a nommé.

« Dans la pratique, on ne rencontre pas souvent de cas problématiques, mais si par exemple un membre du CA est aussi actionnaire et PDG de l'entreprise, il doit savoir faire la différence entre ses trois chapeaux », dit Julie Proulx.

Les administrateurs sont également soumis à la règle de « l'appréciation commerciale », note Liette Leduc.

« Dans l'exercice de leurs fonctions, ils sont tenus de prendre des décisions raisonnables selon les circonstances, et non pas ce qui peut s'avérer, avec le bénéfice du recul, la meilleure décision possible. »

4. Créer de la valeur par la complémentarité

Lors de la composition du CA, les actionnaires devraient miser sur un grand éventail d'expertises pour couvrir tous les enjeux de l'entreprise. Certains conseils soumettent d'ailleurs leurs membres à une grille de compétences pour éviter la redondance et combler les lacunes.

« Il faut éviter d'avoir par exemple quatre experts en finances autour de la table, en particulier dans les petites entreprises. La complémentarité apporte davantage de valeur ajoutée aux dirigeants », observe Liette Leduc.

5. Lutter contre la « pensée groupale »

Ce mécanisme psychologique pousse les individus à bâtir un consensus plutôt que d'explorer un problème sous toutes ses facettes. Son meilleur remède : la diversité, selon Julie Proulx.

« Plus les gens se ressemblent, plus ils se renforcent les uns les autres, et ça peut les amener à prendre de mauvaises décisions. Outre la complémentarité entre compétences, la diversité entre les hommes et femmes, les milieux sociaux et les origines ethniques est toujours souhaitable, car elle amène différentes lectures d'une même situation. »

6. Prôner l'observation et la formation

Une personne qui souhaite siéger sur un CA devrait d'abord se familiariser avec les concepts de bonne gouvernance et bien comprendre les opérations de l'entreprise et ses enjeux avant de prendre sa place autour de la table.

« Les dirigeants reconnaissent l'apport de leur conseil quand ses membres contribuent à l'avancement de la société. Ils s'attendent à ce que leurs administrateurs comprennent les enjeux, partagent leur expertise, proposent des pistes de solutions et débattent avec respect tout en gardant à cœur l'intérêt de la société et le respect des différentes parties prenantes. Avant de siéger sur un conseil, il est donc utile de commencer par s'informer pour bien se préparer et faire preuve de rigueur », dit Julie Proulx.

Une formation aidera à bien comprendre le rôle d'un administrateur, ses devoirs et les responsabilités qui lui incombent aux termes des lois corporatives. Quelques adresses : le Collège des administrateurs de sociétés, l' Institut des administrateurs de sociétés, l' Institut sur la gouvernance d'organisations privées et public (IGOPP).

7. Dans un monde idéal, viser entre sept et neuf membres

Selon les deux expertes, bien que le nombre d'administrateurs puisse varier selon les besoins spécifiques de l'entreprise, la taille idéale pour un conseil au sein d'une PME devrait varier entre 7 et 9 administrateurs. À cette taille, il est possible de diversifier les profils, répartir les tâches dans des sous-comités, faciliter les échanges et réconcilier les points de vue tout comme les agendas de chacun. Il s'agit de trouver le point d'équilibre afin de créer un organe décisionnel flexible et créateur de valeur.

8. Assurer une rotation des membres

De plus en plus de CA se dotent de politiques limitant la durée du mandat de leurs administrateurs. En règle générale, les entreprises ont tout intérêt à favoriser une rotation des membres de leur conseil après une période de 8 à 10 ans, suggère Julie Proulx.

« Une personne qui demeure en poste pendant nombreuses années doit se questionner sur sa capacité à garder une certaine indépendance, à adresser les nouveaux enjeux de la société et à se renouveler. Toute entreprise est appelée à se transformer et à évoluer, et il en va de même pour son conseil. Chacun doit se demander s'il a encore un réel apport pour le bénéfice de la société. »

« À l'inverse, établir une durée trop courte ne laissera pas suffisamment de temps à un administrateur pour bien saisir les défis, les enjeux, la vision d'une entreprise et donc, créer de la valeur », précise Liette Leduc.